Texte d’un(e) membre de la Corpo anonyme :
Je viens de lire attentivement les 58 pages du rapport d’UNIA concernant les différentes plaintes déposées contre les Carnavals, Grands Feux et autres manifestations folkloriques et j’ai eu envie d’écrire moi aussi ma petite bafouille… à publier peut-être dans LA MEUSE en droit de réponse à l’accusation faite contre nous en première page !
GRAND FEU DE LIERNU :
Nous ne pouvons plus tolérer ça !!
Décidément, plus le monde évolue, moins il réfléchit ! Depuis que les citoyens ont pris l’habitude de dénoncer ce qui les dérange et c’est très bien, n’ont-ils pas oublié de prendre la peine de vérifier de quoi ils parlent avant de le publier ???
Ainsi, voici donc ce qui est intolérable : concernant le costume (et pas uniquement la cagoule !!!) des Compagnons de la Corporation du Grand Feu de Liernu, là où certaines personnes peu instruites ont cru voir celui des infâmes racistes du Ku Klux Klan, d’autres ont pris la peine de se renseigner et savent que depuis plus de 40 ans l’association liernusienne défile chaque année pour une seule cause : celle de brûler «LE BLANC» (symbolisant le bonhomme hiver dont la neige est jusqu’à présent toujours blanche et contre laquelle personne n’a encore à ce jour porté plainte pour racisme…) pour faire revenir le printemps ! C’est à ce titre que les allumeurs du bûcher sur lequel il sera immolé, revêtent un costume de bourreau blanc comme la neige avec des flammes rouges dans le bas rappelant ledit bûcher et qui n’avait jusqu’à récemment, jamais dérangé personne !
Si la tenue de nos valeureux Compagnons a pu faire penser à quoi que ce soit d’autre, c’est qu’elle a été sortie du contexte où elle est portée ! Car en poussant un peu plus loin l’investigation (ou en se renseignant directement sur le site officiel de la Corporation du Grand Feu de Liernu et non au hit-parade Google qui ne met pas en tête la meilleure information mais celle qui sera la plus regardée…) , nous remarquons que son bûcher a plusieurs fois été allumé par des personnes de couleur noire et que d’autres se cachaient mêmes certaines années sous la fameuse cagoule sans jamais se sentir offensées ni faire l’objet d’un quelconque racisme !
Alors, pour élargir un peu le débat actuel sur tout ce qui dérange et pour compléter le gros dossier rassemblé par UNIA, notons aussi :
1) que le Père Fouettard n’est pas un noir, mais n’importe qui qui passerait dans une cheminée remplie de suie et qui en ressortirait automatiquement tout noir : là aussi, il n’y a pas lieu de porter plainte… à part peut-être par les chauffagistes pour manque de respect pour leur métier !!!,
2) que saint Nicolas est bien un évêque ayant sauvé des enfants il y a plusieurs siècles et qu’il n’y donc pas lieu de se sentir offensé par la croix sur sa mitre puisque ce signe ne marque que SON adhésion à SA religion : là aussi, on aimerait porter plainte… mais sans toucher au commerce que cela engendre,
3) que les congés de Pâques, de Noël, de l’Ascension, de la Pentecôte et bien d’autres sont bien dus à des fêtes religieuses dont là encore, on aimerait retirer le nom mais sans toucher ni aux vacances ni aux colossaux bénéfices que cela génère… et on pourrait continuer…
En conclusion : va-t-on continuer de réinterpréter le folklore, les religions, les traditions populaires sous prétexte de modernité ? Ou va-t-on enfin se rendre compte que ce qui fait le fondement de la Belgique est notre humour envers tous ET la même TOLERANCE envers tous et non ce terrible racisme importé des Etats (soit-disant)-Unis d’Amérique où les droits de tous les hommes ne sont toujours pas respectés ? Et pour en revenir à la Corporation du Grand Feu de Liernu, elle n’a aucune intention de changer son costume mais compte vivement sur les journalistes dont le rôle est d’informer les masses, en ayant pris soin de ne pas répercuter des informations sans les avoir vérifiées !!
JEAN-LUC : pour compléter ton info, j’ai copié ici ce que j’ai trouvé d’intéressant dans les pages d’UNIA :
«Cette affiche fait la promotion du ‘Grand feu de Liernu’ du 9/3/19. Le personnage dessiné sur l’affiche rappelle à dessein les personnages et les uniformes du Ku Klux Klan. Ceci est très, très choquant, indigne voire condamnable comme apologie du racisme ou incitation à la haine raciale! Utiliser l’image banalisée du Klan pour faire la promotion d’un feu! J’apprécie l’humour noir mais ici rien d’explicite ne suggère l’humour. Le Klan a lui-même affirmé la supériorité de la race blanche et assassiné et lynché des Noirs aux Etats-Unis. Les données historiques sur le Klan sont massives, accessibles et potentiellement connues de tous. Dans le moins pire des cas, cette affiche serait une faute de goût ou de l’ironie très mal placée. Dans le pire des cas, une banalisation voire une incitation à la haine raciale. Ces affiches devraient donc être retirées au plus vite et les afficheurs interpellés, questionnés voire poursuivis. Des excuses aussi pourraient être bienvenues. Qui a eu cette bonne idée ? Qui est responsable d’une chose pareille ? Les responsables doivent être identifiés et ils doivent s’en expliquer. Allons-nous accepter, de surcroît par les temps qui courent (antisémitisme, racisme, xénophobie, montée des populismes, etc), de banaliser en Belgique l’imagerie KKK ? »
Le carnaval et les limites à la liberté d’expression, Analyse d’Unia, 2019
Cette plainte démontre bien que les gens sont peu informés et croient tout savoir en plus puisqu’ils affirment que c’est fait exprès !!!! Ils nous associent au Klan et affirment qu’on en est et qu’on se sert de cette image pour promotionner notre feu !!! Ils connaissent apparemment mieux l’histoire de ces racistes américains que de leur propre folklore ! Va-t-on vraiment leur adresser des excuses ou porter plainte contre eux pour diffusion de calomnies absolument non-fondées ??? Je me demande si c’est vrai que les infos de cet infâme KKK sont plus accessibles que les nôtres ?? Si oui, on pourrait aussi porter plainte contre google…
Heureusement, UNIA dit aussi :
Il ne suffit pas que les éléments matériels soient présents pour pouvoir parler d’une infraction. Encore faut-il pouvoir démontrer que l’auteur avait une intention malveillante et n’a pas agi par pure négligence (ou par accident). En cas de doute quant à l’intention malveillante, il faut conclure à l’absence d’infraction. La Cour constitutionnelle a explicitement jugé qu’il devait y avoir une volonté particulière. Cette exigence, affirme la Cour, “exclut que puissent être incriminés, en l’absence d’une telle incitation, les pamphlets et il doit en être de même des plaisanteries, des caricatures, des opinions et de toute expression qui, faute du dol spécial requis, relève de la liberté d’expression”. Il faut donc démontrer que l’auteur avait une attention malveillante et espérait que celui à qui il s’adressait discriminerait, ségréguerait ou haïrait d’autres personnes ou userait de violence envers elles. Autrement dit, “l’élément moral requis implique que l’auteur est punissable s’il était pleinement conscient qu’il incitait d’autres personnes à la discrimination, à la haine ou à la violence et qu’il a néanmoins poursuivi ce but de façon malveillante”. Un exemple permet de clarifier l’importance de cette volonté particulière. Sur la base des articles 20 (délit d’incitation) et 21 (interdiction de diffusion) de la loi antiracisme, une plainte a été déposée contre l’impression, la diffusion et la vente de la bande dessinée Tintin au Congo. Cet album de BD, publié pour la première fois en 1931, dresse une image stéréotypée des habitants noirs de ce qui était à l’époque une colonie belge et les représente comme étant stupides, puérils et paresseux. L’auteur, Hergé, a adapté l’histoire plus tard et a reconnu qu’au moment de l’écrire, il avait été fortement influencé par les conceptions coloniales en vigueur dans les années 30 du siècle précédent. Un étudiant a estimé que la BD constituait une infraction à la loi antiracisme. Cependant, le tribunal a jugé qu’il n’y avait pas de volonté particulière et qu’il ne pouvait dès lors être question d’une infraction aux dispositions pénales de la loi antiracisme. Le tribunal s’est référé entre autres à des interviews d’Hergé qui avait expliqué que cet album était un péché de jeunesse et qu’il aurait adopté une tout autre approche s’il l’avait écrit plus tard. Mais dans les années 30, il ne connaissait pas le pays et il s’est simplement basé sur ce que l’on disait de l’Afrique et des Africains.
Conclusion et recommandations d’Unia :
La tradition du carnaval (et d’autres fêtes populaires) remonte loin dans le temps. Le carnaval est à l’origine un événement populaire qui avait pour but de briser et même d’inverser les rapports de pouvoir existants, et donc aussi les règles et conventions sociales qui en dépendaient. Pendant quelques jours, c’est le Prince Carnaval, élu par le peuple, qui régnait tandis que les détenteurs officiels du pouvoir devaient faire un pas de côté. Le carnaval avait pour but de servir de soupape sociale pour le peuple et de désamorcer ainsi des tensions et des conflits. Des protestations et des critiques étaient exprimées au moyen de l’humour et les normes de comportement acceptable étaient mises entre parenthèses – pendant un bref moment en tout cas, trois jours par exemple, après quoi tout devait rentrer dans l’ordre . Cette fonction du carnaval comme rituel d’inversion s’est aujourd’hui en grande partie perdue, pour plusieurs raisons : la liberté d’expression, qui auparavant n’allait pas de soi, est aujourd’hui communément admise, l’exercice du pouvoir n’est plus despotique, la hiérarchie sociale s’est largement démocratisée… Seul l’événement lui-même a subsisté, en conservant certes une fonction de lien social, mais avec un accent qui est surtout mis sur le divertissement et le plaisir. Le carnaval reste cependant un phénomène local et temporaire durant lequel des excès sont tolérés pendant un certain temps et seulement en un certain lieu. C’est pourquoi l’utilisation d’images grotesques et d’exagérations stéréotypées – toutes deux indissociablement liées au carnaval – doit toujours être replacée dans ce contexte spécifique. Ce qui peut être toléré pendant le carnaval ne peut pas forcément l’être en dehors de celui-ci. Le fait que la tradition du carnaval remonte loin dans le temps et qu’elle soit un phénomène local et temporaire n’empêche pas que d’autres membres de la société puissent ressentir cette tradition (ou certains de ses éléments) comme blessante et puissent les remettre en cause. « C’est déshumanisant et blessant pour la communauté juive. Ce n’est peut-être pas mal intentionné, mais cela alimente l’antisémitisme. On lui donne une légitimation sous la forme du divertissement.» En d’autres termes, la question n’est pas de savoir si on peut rire de tout, mais de quelle manière on peut rire de tout. Chaque fois que certaines traditions culturelles – ou autres – sont remises en question, comme le carnaval d’Alost où le Père Fouettard, « la surprise et l’indignation alternent avec un étonnement quant à ces protestations et avec des reproches en sens inverse, des plaintes juridiques et des demandes d’excuses». L’analyse du cadre légal que nous avons réalisée ci-dessus montre clairement que la réponse ne se situe pas sur le plan juridique. La législation – suivie en cela par la jurisprudence – accorde une grande importance à la liberté d’expression, considérée comme un fondement majeur et une garantie dans une société démocratique qui poursuit un objectif d’ouverture, de tolérance et de pluralisme. Selon la jurisprudence, il est tout simplement autorisé d’utiliser sa liberté d’expression pour choquer, inquiéter ou offenser. Pour Unia, et à sa suite pour des commentateurs juridiques, les membres de la société carnavalesque De Vismooil’n n’ont pas dépassé, avec leur char, les limites légales de la liberté d’expression telles qu’elles sont établies dans la législation et la jurisprudence belge et européenne.
Mais ce n’est pas non plus en se cramponnant à des positions et des points de vue diamétralement opposés que l’on sortira de l’impasse. C’est pourquoi Unia avait d’emblée plaidé pour un dialogue ouvert et constructif et a fait des démarches pour initier ce dialogue. Nous ne pensons donc pas que des procédures judiciaires vont résoudre cette question sociétale. Que ce soit des plaintes contre les carnavalistes mais aussi des procédures contre les personnes ou les groupes qui veulent sensibiliser ou attirer l’attention sur le caractère stigmatisant et stéréotypés de certaines expressions populaires telles que les black faces (Ducasse de Deux-Acren ou d’Ath). Ces protestations relèvent également de la liberté d’expression et peuvent également choquer, heurter ou inquiéter. Unia constate que le carnaval remonte à une longue tradition qui permet – temporairement et localement – de rire de tout et de tout le monde. D’autre part, Unia observe que des groupes sociaux sont de plus en plus choqués par l’usage débridé de stéréotypes qu’ils peuvent ressentir comme étant très blessants et inutilement offensants. Celui qui s’arroge le droit de rire de tout et de tout le monde doit aussi accepter que cela puisse susciter des critiques. Par ailleurs, il est important de se rendre compte qu’à l’ère des réseaux sociaux rapides, non nuancés et omniprésents, des images peuvent être sorties de leur contexte – temporaire et local – et risquent fort d’être mal comprises.
En effet, alors qu’auparavant le message du carnaval restait limité aux participants, à la population locale et aux spectateurs le long du parcours du cortège, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Sous l’effet des médias sociaux, tout cortège carnavalesque local est désormais potentiellement observé à la loupe et des images sont diffusées dans le pays voire même dans le monde entier vers des destinataires qui ne disposent pas nécessairement de tous les éléments de contexte pour les interpréter. Les commentaires qui en résultent – et qui existeront toujours en raison des réseaux sociaux – peuvent être extrêmement durs. Il convient d’en être pleinement conscient. On pourrait anticiper cela.
Pour Unia, il doit être possible de continuer à vivre la tradition du carnaval dans le respect d’une société en mutation et sans tomber dans une censure ou une autocensure préventive. Le carnaval puise précisément sa spécificité dans la remise en question des normes et des valeurs existantes. Les différences culturelles et religieuses ne peuvent pas purement et simplement restreindre le droit à la liberté d’expression dont le carnaval fait usage. C’est pour cela qu’Unia recommande avant tout de maintenir le dialogue – en premier lieu entre les acteurs directement concernés – non pas pour remettre des traditions en question ou pour censurer des expressions qui relèvent du cadre légal de la liberté d’expression, mais pour apprendre à connaître et pour comprendre les sensibilités, les vulnérabilités et les positions respectives.
Pourtant, il ne sert pratiquement à rien, selon Unia, que les intéressés se cramponnent à leurs propres points de vue. Cela ne fait qu’accroître la polarisation et risque de faire en sorte que de prochaines éditions du carnaval soient encore plus provocantes et créent davantage de polémiques. Ce n’est dans l’intérêt de personne. Unia en appelle dès lors à toutes les parties concernées pour qu’elles se mettent à la place des autres. Ce n’est qu’avec l’empathie et la compréhension indispensables de part et d’autre que l’on pourra trouver une issue à la discussion. Il faut par ailleurs s’inquiéter de la tournure que peut prendre la question du carnaval. Même les caricatures qui frappent fortement les esprits de manière non intentionnelle ne devraient pas entraîner de menaces. Les réactions très dures émanant d’un peu partout que les membres du groupe carnavalesque De Vismooil’n ont reçues les ont beaucoup affectés. Par ailleurs, Unia estime que l’école, les mouvements de jeunesse, le monde associatif… devraient être encouragés à travailler sur les stéréotypes dans la société et plus particulièrement dans le cadre du carnaval. I
Les traditions sont fortement ancrées dans la communauté locale et elles changent en interaction avec celle-ci. Cela n’a même pas beaucoup de sens de vouloir imposer ces changements ou de les diriger de l’extérieur en décrétant des règles, des normes, des interdictions… Non seulement ce serait méconnaître complètement l’origine, la nature, le caractère et le sens social de telles traditions, mais ce serait aussi voué à l’échec. L’imposition de règles ne ferait sans doute qu’engendrer des stéréotypes encore plus grotesques et finirait par s’avérer tout à fait contre-productif. D’un autre côté, les sociétés carnavalesques et les organisateurs ne peuvent pas rester aveugles devant l’évolution des sensibilités, les conséquences que les représentations stéréotypées ont pour les intéressés, les critiques croissantes… qu’elles soient fondées ou non. Ils ont tout intérêt à en tenir compte et à faire du carnaval une fête réellement inclusive. De cette manière, ils préservent l’avenir d’un carnaval qui évolue avec l’esprit de son époque. Et ils évitent que des mesures venues d’en haut leur soient imposées.
Le carnaval et les limites à la liberté d’expression, Analyse d’Unia, 2019
Voilà donc qu’UNIA respecte vraiment le folklore mais nous demande d’y réfléchir…. C’est donc chose faite en ce qui nous concerne puisque je viens de passer la journée dessus !!!
Et UNIA nous autorise à les citer :
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Le carnaval et les limites à la liberté d’expression, Analyse d’Unia, 2019