Tous se terraient. Depuis de longs mois, ils subissaient le Froid et les Ténèbres qui avaient envahi le monde.
Depuis peu, la Peur également les habitait; et le Désespoir.
Tout avait commencé aux plus beaux jours de l’été. Au début, seuls les plus futés avaient remarqué le phénomène : le matin, l’Astre du jour tardait de plus en plus à poindre à l’horizon et à se mettre à accomplir son périple journalier; le soir, il terminait sa course de plus en plus tôt pour disparaître derrière l’horizon opposé.
Un jour, la durée de son parcours diurne avait été égale à celle de sa disparition nocturne. Et cela avait continué: les jours de plus en plus courts, les nuits de plus en plus longues.
Alors, la Peur s’était mise à les envahir.
D’autant plus que le phénomène s’accompagnait maintenant de vent, de pluie, de gel, de neige,… La Nature même semblait malade et désespérée: les végétaux perdaient leurs parures, les animaux sauvages disparaissaient, la terre elle-même devenait hostile, tantôt instable et boueuse, prête à engloutir tout être, tantôt dure comme la pierre, retenant tout objet qui s’y serait laissé prendre.
Le soleil, maintenant, ne faisait plus qu’une courte apparition dans le ciel, de plus en plus courte.
Où cela s’arrêterait-il ? Allait-il arriver que l’Astre, un jour, ne se lève plus et que les Ténèbres à jamais s’installent ? Et, avec elles, le terrible Froid qui ne faisait que s’aggraver ?
La Peur, de plus en plus, s’emparait de tous, même des plus courageux.
Tous se terraient.
Tous ?
Presque tous !
Car dans un coin reculé du pays hesbignon, là où les eaux semblent, à leur guise, ruisseler tantôt vers la Mehaigne, tantôt vers l’Orneau, là où l’Arbre millénaire parle aux Humains ; là où de vieux Druides encore l’honorent et le protègent ; là où s’invoquent le Baptiste et l’Ermite Antoine et, depuis peu, Vincent… et Bacchus; LA, s’organise la résistance !
Là, des hommes et des femmes encagoulés, vêtus de longues robes de lumière et de feu, se réunissent en secret et élaborent des plans.
Déjà, par les chemins de pluie et les plaines enneigées, ils acheminent vers le lieu mythique arbres et branchages et y construisent un bûcher. Il se chuchote qu’ils ont capturé le responsable des maux de la Terre et de l’Humanité, qu’ils le retiennent prisonnier, qu’ils l’ont jugé et condamné à être pendu et brûlé sur ce bûcher qu’ils érigent. Et qu’alors seulement pourra prendre fin la damnation du Froid, des Ténèbres et de la Peur.
Déjà, les hommes, les femmes, les enfants, timidement, reprennent espoir et courage et certains prêtent leurs bras pour hâter l’arrivée de ce jour de libération. D’aucuns prétendent même que l’astre du jour lui-même s’est ragaillardi : ils ont remarqué que, imperceptiblement, de jour en jour, sa course dans le ciel se fait plus longue.
Et si cela était vrai ? Et si la Nature elle-même allait renaître, la terre redevenir accueillante, les arbres se revêtir, les animaux sauvages sortir de leurs terriers, après cette longue nuit de torpeur ?
Et si la Peur, enfin, allait quitter définitivement le cœur des hommes ?
Le jour de la mise à mort du condamné approche.
Bientôt, on saura !
(à suivre…)